Certaines personnes m’ont demandé ces semaines mon avis en relation au problème de l’Espagne et la Catalogne et d’où viens ce problème. J’aimerais bien vous faire une petite explication (en vrai c’est longue, très longue) pour vous mettre en contexte. Après vous pouvez tirer vos propres conclusions.
«Toi, Javi. Tu es catalan. Explique moi, c’est quoi ce bordel ?»
D’abord, il faut savoir que malgré que ma langue maternelle c’est le catalan, je ne suis pas catalan : je suis valencien (País Valencià ou Comunitat Valenciana), région au sud de la catalogne qui a une gros relation culturelle, linguistique et historique avec la Catalogne, mais pas politique. Nous parlons ‘valencià‘, notre façon de parler le catalan à notre région. En gros, c’est comme en Quebec. Ils parlent ‘québécois‘, mais c’est aussi français. Are you following me ?

Foto : Francisco Seco / AP
Pourquoi les Catalans ont arrivé à ce point là ?
Malgré que le sentiment indépendantiste est en croissance depuis 2010, ça viens de très loin. Il y a deux moments historiques importants. À savoir :
- La guerre de succession (1701-1715) : une guerre que finisse avec la victoire de Philippe de France – supporté par la Couronne de Castille (les régions espagnoles occidentales) – sur Charles d’Autriche, qui est supporté par la Couronne d’Aragon (les régions orientales), dont les catalans, et nous, les valenciens aussi (*voir image 1). Après la victoire de Philippe de Bourbon (dont Philippe V d’Espagne), il donne ordre d’abolir les institutions d’auto-gouvernement dans toutes les régions du côté des perdants (pas dans le Pays Vasque et Navarre, par exemple, dont ils sont du côté des gagnants) et impose la langue espagnole dans tout le territoire espagnol (soit le territoire catalan-parlant : la Catalogne, Valence et les Iles Baléares). Malgré ça, la langue ne disparaisse pas, sinon qu’elle est potencée dans la rue (même si elle est illégale), surtout dans la Catalogne.
Image 1
- La guerre civile espagnole (1936-1939) : après la proclamation de la Seconde République Espagnole (1931-1939), l’État est très pluriel. Les langues et cultures régionaux sont en renaissance (on a 4 langues en Espagne : Castellano, Català, Euskera et Galego), et l’auto-gouvernement de chaque région est plus autonome. Il y a une partie qui n’est pas du tout d’accord avec cette pluralité et après un Coup d’État raté commence en 1936 une guerre civil qui finisse en 1939 avec la victoire du côté soulevé (aidés pour Hitler et Mussolini). Voici le Franquisme (1939-1975), une dictature qui persécute, met en prison et tue tout ce qui pense d’une façon différent au régime (et tout ce qui a une culture ou langue différente de l’espagnole centrale). Qui été dans le côté des perdants (les républicains) ? Voilà ! La partie orientale de l’Espagne (soit la Catalonge, Valence…)
Après la mort du dictateur Franco en 1975 arrive la Transition Démocratique et la Constitution Espagnole (1978), qui est en vigueur encore. On récupéré la figure du Roi avec un modelé de Monarchie Parlementaire (d’ailleurs, un Roi de la famille des vainqueurs de 1714 et sélectionne par Franco avant sa mort). Cette Constitution met en place un modèle de redistribution des impôts contrôlé par Madrid. Et voici le nouveau problème, en plus du problème culturel : la Catalogne apporte plus d’argent à l’État espagnol de ce qu’ils reçoivent (même si la région la plus blessée c’est la mienne, le País Valencià). En 2006 la Catalogne fait une révision de son ‘Statut d’Autonomie‘ de 1979 (une sorte de Constitution mais à niveau autonomique) avec un nouveau modèle de distribution de son argent, une révision qui est tombée par le Tribunal Constitutionnel en 2010. D’ici à maintenant commence la croissance du mouvement indépendantiste en Catalogne.

Foto : ara.cat / PERE VIRGILI
Le ‘Procés’ indépendantiste catalan (2010-actualité) : après la crise économique mondial, l’Espagne commence à faire une mauvaise gestion économique, le chômage arrive à plus du 25% de la population (soit 55% des jeunes) – ça fait émigrer pas mal d’Espagnols comme moi, une sorte d’exilés, oui-. En plus, on commence à connaître beaucoup de cas de corruption (dans la famille du Roi, dans tous les parties politiques, mais surtout le Partie Populaire (partie de Mariano Rajoy- Premier Ministre de l’Espagne) et même Convergència (partie de Carles Puigdemont- Président de la Catalogne)… )., chaque fois que la Catalogne essaye de faire une négociation avec Madrid, la réponse c’est NON. Et voici le résultat, la Catalogne continue parallèlement :
- 2014 : Consulte (genre de référendum mais que pour connaître l’avis des catalans) avec 2’3 millions de votes (la Catalogne a 7’5 millions de personnes) où gagne le OUI.
- 2015 : Elections au Parlement de Catalogne
- 2016 : Annonce du Référendum pour le 2017. Essaye de que tout soit légale, avec garanties démocratiques et avec consens avec l’État espagnol.
- 2017 (février) : le Tribunal Constitutionnel de l’Espagne annule la résolution du référendum. Depuis ce moment là on parle d’un Référendum Illégale parce que la Constitution Espagnole de 1978 ne contemple pas cette possibilité